Le vélo, grand oublié des politiques publiques de transport en France
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Article N°28855

Le vélo, grand oublié des politiques publiques de transport en France

On le célèbre dans les discours, mais on l’oublie dans les budgets. Le vélo, pourtant solution de mobilité durable simple et moderne, véritable levier de la transition écologique, reste en marge des politiques publiques. Et si la France passait enfin du coup de pédale symbolique à une véritable révolution d’infrastructures ?

Il y a quelque chose de paradoxal dans le paysage français. Jamais le vélo n’a été autant présent dans les conversations, les plans d’action, les promesses électorales… et jamais il n’a paru aussi marginal dans les arbitrages concrets. Le constat est récurrent car malgré des chiffres d’usage en hausse, malgré une demande sociale forte, le plan vélo reste le parent pauvre des politiques publiques de transport.
 

Faire du vélo un pilier des politiques publiques

On ne peut pas dire qu’il ne se passe rien. Non. Des plans nationaux ont vu le jour, des collectivités ont investi, certaines métropoles expérimentent des “autoroutes cyclables”. Mais une impression domine, presque insidieuse : le vélo progresse à coups de rustines, jamais de vision globale. Là où l’Allemagne ou les Pays-Bas pensent le vélo comme une colonne vertébrale de mobilité, la France le traite encore comme un supplément, une cerise verte posée sur le gâteau du bitume et du rail.

Or, il est temps de changer d’échelle et de méthode. Car le vélo n’est pas qu’un objet de loisirs, ni un choix individuel “vertueux”. C’est un outil collectif, au service d’enjeux qui dépassent la seule mobilité à savoir santé publique, attractivité territoriale, transition énergétique, qualité de vie.
 

Plan vélo, mobilité durable, infrastructures cyclables : la France peut rattraper son retard en s’inspirant des bons exemples européens et locaux.


Aujourd’hui, le premier frein est la discontinuité. On pédale sur une piste agréable, puis soudain le tracé s’arrête au feu rouge, se confond avec un trottoir ou disparaît sous des voitures en stationnement. Cette fragmentation décourage les nouveaux cyclistes. Conclusion, il faut passer d’une logique de “tronçons” à une logique de réseau, avec des itinéraires lisibles, continus, sécurisés. Un vrai schéma directeur, à l’échelle nationale comme locale. Soulignons toutefois que Strasbourg montre la voie avec son “réseau vélo express” qui relie la métropole par des axes directs et sécurisés. Nous avons testé !
 

Aux Pays-Bas, un cycliste peut traverser une agglomération entière sans jamais quitter une piste dédiée, avec une signalisation claire et des carrefours pensés pour lui. Ce n’est pas du luxe, c’est de la planification.


Aujourd'hui, le vélo ne peut plus dépendre des subventions ponctuelles ou des coups de com’ ministériels. Si la France consacre des milliards annuels à la route et au ferroviaire, pourquoi ne pas imaginer un fonds vélo permanent, abondé chaque année, garantissant aux collectivités un soutien pour aménager et entretenir des infrastructures cyclables adaptées ? Grenoble, élue capitale française du vélo, consacre déjà une part significative de son budget aux aménagements cyclables, avec un impact visible : une part modale du vélo proche de 20 %Les retombées sont mesurées : chaque euro investi rapporte quatre à cinq fois plus en bénéfices sociaux (santé, air, économie locale). A titre d'exemple, le Danemark investit environ 35 € par habitant et par an dans le vélo.
 

L’intermodalité comme priorité


Le vélo est puissant quand il se combine aux autres modes. Pouvoir embarquer son vélo dans un TER, trouver un parking sécurisé en gare ou en centre-ville, disposer de services de location longue durée, voilà ce qui change la vie des usagers. Aujourd’hui, cette intermodalité reste trop souvent théorique. Elle doit devenir la norme, pensée dès la conception des infrastructures. Paris a lancé un vaste programme de stationnements sécurisés près des gares, et Bordeaux développe des parkings à vélo massifs en centre-ville. Nantes y travaille. Du moins, sur le papier.
 

En Allemagne, de nombreuses gares proposent des “Radstationen” : parkings surveillés, ateliers de réparation, location, consignes. Tout est conçu pour fluidifier le passage du guidon au rail.


Autre point important : la filière économique qui ne demande qu'à être structurée. En effet, on oublie trop souvent que le vélo, ce n’est pas uniquement des cyclistes. C’est aussi des ateliers de réparation, des constructeurs, des start-up innovantes, des loueurs, des artisans. Bref, un vivier d’emplois non délocalisables. Soutenir cette filière, c’est donc investir dans une économie circulaire, locale, créatrice de valeur durable

Rappelons que des villes comme Nantes et Lyon ont misé sur les ateliers de réparation associatifs et les aides à l’achat de vélos-cargos, soutenant ainsi toute une économie locale, alors que les Pays-Bas ont fait du vélo un secteur industriel stratégique : la production et l’innovation y génèrent des milliers d’emplois, du vélo-cargo à la mobilité électrique.

 

Une vision culturelle et éducative


Enfin, il y a un enjeu de mentalités. Tant que le vélo restera perçu comme un loisir dominical ou une solution “pour les bobos urbains”, il ne gagnera pas sa pleine légitimité. L’apprentissage du vélo à l’école, la sensibilisation dans les entreprises, l’intégration dans l’urbanisme sont autant de leviers qu'il ne faut pas ignorer. Ce serait une très grave erreur. Il faut inscrire le vélo dans la culture commune, comme une évidence, pas comme une exception. Au Danemark, 80 % des enfants savent circuler à vélo en ville avant l’âge de 12 ans, grâce à des programmes scolaires dédiés. Résultat : une génération entière pour qui le vélo est aussi naturel que marcher. CQFD
 

La Rochelle fut pionnière dès les années 70 en lançant un service de vélos en libre-service, préfigurant ce qui est devenu aujourd’hui une évidence dans toutes les grandes villes.


Mais le vélo n’attend pas : il roule déjà. Pour preuve, des millions de Français l’ont adopté pour leurs trajets quotidiens, pour leurs loisirs, pour voyager autrement. Ce sont eux qui portent aujourd’hui, à la force du mollet, une révolution silencieuse. Mais pour que cette révolution devienne structurelle, il faut un courage politique, une vraie planification, un changement de braquet.

Car à l’heure des crises énergétiques, du coût de la vie, du dérèglement climatique, le vélo n’est pas un gadget. Il est une réponse moderne, simple et profondément humaine à nos défis collectifs. La balle est désormais dans le camp des décideurs publics, mais ces derniers auront-ils l’audace de hisser le vélo à la place qu’il mérite ? Rien n'est moins sûr.


Henry Salamone / FRANCE SECRÈTE À VÉLO

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