Qui a dit que le vélo et le tourisme ne faisaient pas bon ménage ? Certainement pas les régions françaises, trop contentes de ce que la “petite reine” soit devenue un moteur économique à part entière. Derrière les pistes cyclables, les voies vertes et les itinéraires comme la Vélodyssée, la Viarhôna ou encore la Vélomaritime, se cachent des investissements lourds et des retombées directes pour les acteurs locaux.
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Anne Jolibois : « La Vélomaritime est un moteur économique du littoral à vélo »
Avec plus de 4,6 milliards d’euros de retombées en 2023, la pratique attire des millions de cyclotouristes, stimule hébergement, restauration, location et valorisation des itinéraires. Un terrain de jeu fertile pour les politiques publiques et les territoires investis. Aussi, pour analyser ce phénomène inespéré pour les élus locaux et régionaux,nous nous sommes intéressés à quelques repères chiffrés pour bien saisir ce mariage entre vélo et tourisme.
Tout d'abord, les retombées économiques directes du tourisme à vélo en France s’élèveraient à 4,6 milliards d’euros en 2023. Chaque kilomètre d’itinéraire aménagé dans un territoire génère en moyenne 30 000 € par an de retombées, pouvant atteindre 80 000 € par km et par an pour des axes très fréquentés comme La Loire à Vélo.
Côté dépense, la moyenne d’un cyclotouriste itinérant est estimée à environ 68 € par jour, dont peu ou prou 70 % dans l'hébergement et la restauration selon la direction générale des entreprises. A titre d'exemple, un territoire comme la Normandie a généré près de 45,3 millions d’euros de retombées pour ses itinéraires cyclables en 2023.
Le réseau des véloroutes et voies vertes dépasse les 26 000 km en France. Quant à la filière économique du vélo dans son ensemble y compris production, services, réparation, c'est environ 60 000 emplois en France.
Cet engouement pour les itinéraires à vélo est doublement gagnant. En effet, il permet de prolonger la durée des séjours dans les zones rurales et de dynamiser des pans entiers de l’économie locale (hébergement, restauration, location, services de mobilité douce).
Du point de vue économique, chaque euro investi dans les infrastructures cyclables se retourne en multiplicateur important. Non seulement via les dépenses des cyclotouristes, mais aussi via l’attractivité accrue du territoire. Cependant, il existe encore un potentiel de montée à savoir la dépense d’excursions journalières qui reste faible.
Elle est inférieur à 2 € par personne et par jour dans certains cas alors que sur d’autres marchés comme la Belgique ou l'Allemagne, elle est supérieure. Mais du point de vue de la politique territoriale, le message est très clair. Miser sur un tourisme vélo de qualité, bien maillé (accueil vélo, réparateurs, hébergement labellisé), c’est un pari rentable.
A noter toutefois une double dynamique. Alors que l’itinérance vélo monte en puissance, la filière « production de vélos neufs » de son côté, rencontre des turbulences. Ce contraste mis en exergue souligne que l’on parle ici avant tout services et mobilité plutôt que seule fabrication d’équipements.
Les collectivités locales voient donc dans le tourisme à vélo une stratégie gagnante. Valoriser le patrimoine, allonger la durée des séjours et dynamiser les territoires ruraux. D’après l’Ademe, chaque euro investi dans le développement d’une véloroute génère entre 5 et 10 euros de retombées économiques.
La tendance s’inscrit aussi dans une logique de transition écologique et de mobilité durable. Moins de voiture, plus d’expériences humaines et de respiration. Pour les territoires, c’est un pari sur l’avenir, celui d’un tourisme plus vert, plus lent et plus rentable.
Pour cette enquête, si nous nous sommes basés sur les chiffres de 2023, ceux pour 2024 sont encore partiels. Le réseau Vélo & Territoires a relevé une augmentation de +1 % de la fréquentation cyclable sur un échantillon de 315 compteurs en 2024, par rapport à 2023.
Concernant les itinéraires aménagés en 2024, le Schéma national des véloroutes (SNV) indique que 610 km de nouvelles infrastructures ont été réalisés (dont 145 km en site propre) et que 21 655 km sont achevés, soit 83,6 % de l’objectif. Enfin, une source spécialisée estime que le marché du cyclotourisme en France représenterait plus de 5 milliards d’euros de retombées économiques annuelles pour 2024. L’estimation « plus de 5 milliards » doit être prise comme un ordre de grandeur, non comme un chiffre définitif.
Pour les journalistes « vélotouristes » que nous sommes, ces données indiquent clairement une dynamique positive, mais aussi un ralentissement de l’élan avec ce constat que l’augmentation de fréquentation n’est plus à deux chiffres mais à un petit pour cent. L’investissement dans les infrastructures continue mais il faudra accélérer pour atteindre les objectifs ambitieux fixés pour 2030.
Notre analyse ? « Les données 2024 disponibles montrent une stabilisation plus qu’un boom. Le cyclotourisme ou la pratique vélo ne reculent pas nettement, mais les hausses spectaculaires sont derrière nous, au moins pour l’instant. Si le potentiel est grand, l’urgence est aussi là. »