Accell ferme son usine : quel avenir pour l’emploi vélo en France et la filière du cyclotourisme ?
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Article N°28862

Accell ferme son usine : quel avenir pour l’emploi vélo en France et la filière du cyclotourisme ?

La fermeture de l’usine historique d’Accell Group aux Pays-Bas et la suppression de 160 emplois sonnent comme un avertissement pour toute la filière vélo en Europe. En France, où le marché du cycle pèse près de 40 000 emplois et s’appuie sur le boom du tourisme à vélo, cette annonce relance le débat : comment protéger l’emploi, renforcer une industrie du vélo “Made in France” et saisir l’opportunité d’une relocalisation verte et durable ?


Accell Group, colosse européen du vélo (Batavus, Babboe, Koga, Lapierre…), subit un coup de frein brutal catastrophique pour l'emploi. Après avoir encaissé une perte colossale de 390 millions d'euros en 2023, le groupe enchaîne les restructurations drastiques pour survivre. Le plan ? Réduire les coûts, supprimer des emplois, centraliser la production et revenir à l’équilibre. 

Et l'annonce, tombée le 26 août 2025, n'a pas de quoi rassurer le milieu du vélo. L’usine de Heerenveen, berceau historique de la marque (créée il y a plus de cent ans à Heerenveen), sera définitivement fermée d'ici fin mars 2026. Environ 160 emplois seront supprimés, soit près de 20 % de la production totale du groupe. Toutes les lignes seront transférées vers la Hongrie, avec un centre de finition en France à Dijon, tandis que Heerenveen deviendra un pôle stratégique dédié au design, à l’ingénierie et au support.

Des stocks énormes encombre le marché européen

Cette décision survient dans un contexte où la filière vélo européenne subit de son côté un sévère coup de mou. En effet, après l’euphorie post-Covid, la demande s’est littéralement effondrée. En 2023, les ventes de vélos et VAE ont chuté de 8,9 %, la production et les exportations de près de 20 %, et les emplois ont reculé de 5,5 % dans le secteur. Des stocks énormes ont saturé le marché. Accell était passé de 340 000 à 169 000 vélos en stock entre fin 2023 et fin 2024. Pour éponger ces volumes, l’entreprise a revu ses entrepôts de 85 à 28, tout en se débarrassant d’une usine en Turquie. Bref, de quoi être pessimiste pour la suite.

« Les décisions entraînant des suppressions de postes ne sont jamais faciles, et nous sommes pleinement conscients de leur impact sur nos collaborateurs ». Jonas Nillson, PDG d’Accell Group

Notre confrère Frandroid soulignait que les suppressions, bien que dures humainement, étaient envisagées comme un levier de survie, permettant de concentrer les efforts sur « la qualité, la productivité et l’innovation ». Début 2025, Accell affichait des signes timides de reprise avec un stock normalisé, des modèles Babboe renouvelés, un sponsoring sportif (Lapierre en World Tour), et le lancement d’un VAE urbain connecté, le Raleigh One. Aujourd'hui, certains segments, notamment accessoires (P&A) et marchés spécifiques, montrent des signes de rebond.

S’il est tentant d’ériger cette fermeture en symbole de la fin d'une époque, et partiellement, c’en est une, c’est aussi une remise à plat nécessaire. Le vélo n’est pas mort, disons simplement qu'il respire différemment. Il faudra cependant du temps pour que le souffle revienne à condition que les innovations urbaines, les aides publiques, les mobilités douces engendrent des cyclistes ravivés, pas encore mesurables.

Et, en tant qu'observateur, je vois là un tournant. Un virage difficile à négocier mais indispensable. Si Accell aborde ce virage avec un R&D solide et des gammes adaptées, pourquoi pas renaître avec de nouveaux concepts, plus durables, plus créatifs ? 
 

La France : Dijon en pôle d’atterrissage 

Pour la France, le tableau est contrasté. D’un côté, Accell prévoit de renforcer son site de Dijon, dédié à la finition et à la logistique. Quelques dizaines d’emplois pourraient y être consolidés, voire créés. Cela reste modeste, mais symbolique : Dijon pourrait devenir une tête de pont industrielle pour le marché français et européen occidental. De l’autre, on ne parle pas d’un grand plan industriel à la française. En effet, ce transfert ressemble plus à un repli tactique qu’à une relocalisation massive. Les emplois créés à Dijon ne compenseront pas ceux perdus aux Pays-Bas.

Un signal pour la filière française

Dans l'hexagone, la filière vélo emploie 40 000 personnes (fabrication, distribution, réparation, tourisme). Or, depuis deux ans, les acteurs tirent la sonnette d’alarme. La bulle Covid s’est dégonflée, les ventes de VAE stagnent, les détaillants croulent sous les stocks.

En France, l’impact direct sera limité en volume d’emplois, mais lourd en symbolique : cette fermeture montre à quel point le marché européen est vulnérable. Si l’État ne pousse pas une stratégie claire autour de la filière vélo, la vague pourrait emporter d’autres maillons.

La fermeture d’Accell est donc perçue comme un avertissement avec comme message : « si même le numéro 1 européen vacille, quid des plus petites PME françaises ? » Les marques locales (Moustache, Arcade, O2feel, Douze Cycles, etc.) risquent d’être fragilisées par la concurrence asiatique et par les importations de masse.

Écosystème et tourisme à vélo : effet domino ?

L’impact se fait aussi sentir sur le secteur du cyclotourisme. Moins de vélos vendus, c’est moins de cyclistes équipés, donc potentiellement une baisse de fréquentation sur les grands itinéraires français (Loire à Vélo, ViaRhôna, EuroVelo 6...). Les loueurs et agences de voyages à vélo dépendent en partie des constructeurs pour renouveler leurs flottes. Si les grands groupes comme Accell réduisent la voilure, cela risque de reporter la charge sur les artisans locaux qui, eux, manquent souvent de moyens financiers pour répondre à une demande de qualité. L'équation n'est pas simple !

Opinion tranchée : une piqûre de rappel pour la France

À mon humble avis, ce crash industriel doit être pris comme un signal rouge pour la filière française. Nous ne pouvons pas continuer à dépendre des délocalisations à l’Est ou en Asie. Il y a un espace à saisir pour bâtir une vraie industrie vélo “Made in France”, avec un soutien massif à l’assemblage, à la batterie, aux pièces détachées. Sinon, on court le risque de voir nos ateliers français se limiter au rôle de sous-traitants ou de simples assembleurs. Et çà, ce n'est pas viable dans le temps.


Henry Salamone / FRANCE SECRÈTE À VÉLO

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