Après des années d’essor fulgurant, la cyclologistique semble buter contre des obstacles structurels que se soit sur des coûts logistiques, le manque de foncier, les incertitudes économiques, et la capacité de stockage limitée. Enquête sur les freins actuels du vélo-cargo dans la livraison urbaine, et pistes pour relancer ce mode de transport durable du dernier kilomètre.
Portée par la vague verte et la promesse d’une logistique urbaine plus propre, la cyclologistique a connu ces dernières années une croissance spectaculaire. Le vélo-cargo, autrefois symbole militant, est devenu un outil économique à part entière. Start-ups, collectivités et logisticiens y ont vu le chaînon manquant d’une livraison du dernier kilomètre plus sobre et moins carbonée. Mais à l’heure où les subventions s’essoufflent et où les charges augmentent, le secteur entre dans une zone de turbulence. Derrière la dynamique écologique, la rentabilité reste fragile, voire incertaine.
La France compte aujourd’hui peu ou prou 200 entreprises de cyclologistique, implantées dans plus de 70 villes. Ensemble, elles emploient près de 2 300 personnes et génèrent un chiffre d’affaires estimé à 85 millions d’euros. Des chiffres certe encourageants mais modestes au regard du potentiel.
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Cyclologistique : un atout majeur environnemental
Le principal obstacle ? Le manque criant de capitalisation. En effet, les structures sont souvent petites, les marges infimes et les levées de fonds plutôt rares. A y regarder de plus près, la majorité des acteurs fonctionnent sur un modèle quasi artisanal, dépendant des aides publiques ou de contrats ponctuels avec des collectivités. D'où un marché éclaté, agile mais fragile, où la course à la taille critique devient vitale.
Le modèle économique de la cyclologistique se heurte à un effet ciseaux avec, d’un côté, la hausse des coûts d’exploitation (achat de vélos-cargos, entretien, batteries, assurances, loyers), de l’autre, la pression des clients pour des tarifs toujours plus compétitifs. Les grandes plateformes de livraison entretiennent l’illusion d’une logistique rapide et gratuite, tirant eux-aussi les prix vers le bas. Or, sur le terrain, la réalité économique est bien différente. Le coût d’une tournée à vélo reste élevé, notamment en zone dense où la rotation des livraisons est limitée.
Si les décideurs publics, les entreprises et les citoyens s’engagent ensemble, le vélo-cargo pourrait reprendre de la vitesse… pas à pas, mais sûrement.
Autre frein majeur qui ressort de notre enquête, le foncier urbain. La cyclologistique repose sur des micro-hubs, ces petits entrepôts de proximité permettant la rupture de charge avant la distribution finale. Mais force de reconnaître que ces espaces sont rares et chers. Les loyers explosent, et les procédures administratives freinent l’installation. Sans points d’ancrage stratégiques, difficile alors d’optimiser les flux ou d’étendre les zones desservies. Le problème devient systémique : pas de hub, pas de volume et donc pas de rentabilité.
Un marché en phase de consolidation
Face à ces contraintes, la filière souhaite amorcé une phase de consolidation. Les acteurs les plus solides cherchent à mutualiser leurs moyens ou à se rapprocher des logisticiens traditionnels. On voit des partenariats émerger entre transporteurs, collectivités et start-ups et ce, pour partager infrastructures, données et flotte.
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Cette hybridation pourrait bien dessiner le futur du secteur avec un écosystème multimodal, combinant vélo-cargo, véhicules électriques et hubs partagés, plutôt qu’un modèle 100 % cyclo. De leur côté, les investisseurs, eux, observent. Le potentiel est réel car selon l’ADEME, jusqu’à 30 % des livraisons urbaines pourraient être effectuées à vélo d’ici 2030. Mais à condition que la filière se structure, s’industrialise, et trouve son équilibre économique. Une réflexion à concrétiser très rapidement !
Le côté positif est que la cyclologistique n’a pas dit son dernier mot. Loin de là. Elle reste l’un des leviers les plus efficaces pour décarboner la ville, réduire le trafic et créer de l’emploi local. Mais sa survie passe désormais par une reconnaissance pleine et entière de sa valeur économique. Le temps de l’expérimentation touche à sa fin. Celui de la professionnalisation commence. Et si le vélo-cargo n’est plus seulement un symbole, il doit désormais devenir une ligne rentable sur les comptes d’exploitation.
Ce n'est que notre avis
« La cyclologistique n’est donc pas en train de s’effondrer, loin de là, mais elle entre dans une phase de maturité critique. Ce second souffle exigera de faire sauter les verrous économiques, logistiques et réglementaires pour transformer l’essai avec à la clef, des villes plus respirables, un transport du dernier kilomètre plus durable sur fond d'une résilience économique locale. »