Quand le monde s’endort dans le silence,
il suffit d’un mot juste pour que la lumière revienne.
🕯️ Là où la parole se tait
Il était une fois un pays sans nom, où les hommes vivaient dans un grand silence.
Ce n’était pas qu’ils ne savaient pas parler ; ils avaient simplement appris qu’il valait mieux ne rien dire.
Les mots y coûtaient cher, non en or, mais en repos. Car celui qui parlait attirait les regards, et les regards menaient souvent à la honte, parfois à la disparition.
Les maisons étaient belles, les rues propres, les visages calmes, mais tout semblait recouvert d’un voile invisible.
Le vent lui-même, lorsqu’il passait entre les arbres, paraissait hésiter à faire du bruit.
Dans ce pays vivait une jeune femme, Élia.
Elle travaillait à la bibliothèque du bourg, un lieu déserté, où les livres dormaient comme des pierres.
Chaque soir, avant de fermer, elle lisait à voix basse quelques lignes d’un vieux manuscrit qu’elle avait trouvé au fond d’une armoire :
" Là où la parole se tait par peur,
le pouvoir s’étend, sans visage et sans borne."
Ces mots la troublaient. Elle les murmurait en secret, comme une prière interdite.
Un soir, un vieil homme entra, les yeux fatigués mais vifs : c’était un ancien professeur qu’on disait « fou » pour avoir trop pensé.
Il lui dit :
" Les mots sont des torches, Élia. Si tu les caches, la nuit s’épaissit".
Alors, elle osa.
Un matin, sur la place du village, elle lut tout haut le texte qu’elle gardait depuis des mois.
Sa voix tremblait, le vent portait à peine ses syllabes.
Mais les passants s’arrêtèrent, un à un, comme si quelque chose d’ancien se réveillait en eux.
Certains pleurèrent. D’autres détournèrent le regard, effrayés par cette lumière soudaine.
Et dans le silence qui suivit, un enfant, à peine dix ans, répéta d’une voix claire :
" L’homme est né libre".
Ce fut comme une étincelle.
Le lendemain, d’autres parlèrent. D’abord à voix basse, puis avec courage.
Les rues se remplirent de mots : hésitants, maladroits, mais vivants.
Et le pays sans nom retrouva un visage , celui d’un peuple qui respire.
Élia, elle, disparut un jour sans qu’on sache comment.
Mais sur le mur de la bibliothèque, on grava une phrase :
" Parle donc, même bas,
car c’est en parlant que l’homme respire,
et c’est en se taisant qu’il meurt ".
KoSmOs
ALPA DU KOSMOS