Lorsque l’air semble se figer sous un soleil implacable, que l’asphalte miroite et que l’ombre devient un mirage, le corps humain engage un combat silencieux pour maintenir son équilibre thermique. Il transpire, accélère la respiration, dilate les vaisseaux. Mais parfois, ces mécanismes finissent par céder. C’est alors que surgissent l’épuisement par la chaleur et, plus grave encore, le coup de chaleur.
L’épuisement par la chaleur est la première alerte. La sueur perle à grosses gouttes, les muscles se raidissent en crampes, la tête devient lourde, les jambes se vident de leur force. La déshydratation s’installe, discrète mais implacable, privant l’organisme des sels minéraux nécessaires à son fonctionnement. Celui qui en est victime se sent comme vidé de toute énergie, le regard flou, le corps hésitant entre la lutte et l’abandon.
Au-delà du plaisir de rouler, il y a cette règle simple : sous une chaleur brûlante, l’itinérance se vit avec prudence… ou ne se vit pas.
Puis, il y a l’étape suivante, brutale, implacable : le coup de chaleur. Ici, plus rien ne fonctionne normalement. La température interne s’emballe au-delà de 40 °C, la peau devient brûlante, le cerveau vacille. Les paroles se brouillent, les gestes perdent leur cohérence. Dans les cas extrêmes, la conscience s’efface, les organes vitaux sont menacés, et chaque minute compte. Ce n’est plus un simple malaise, c’est une urgence absolue, une course contre la montre.
Ces deux manifestations ne sont pas réservées uniquement aux randonneurs du désert ou aux marathoniens. Loin de là. Elles frappent aussi dans nos villes étouffées par la canicule, sur un chantier en plein après-midi ou dans une maison surchauffée. Elles rappellent que, face à la chaleur extrême, notre corps est un funambule fragile, suspendu entre adaptation et effondrement.
Dans ce face-à-face entre l’humain et l’été brûlant, la vigilance reste l’alliée la plus sûre. Car si l’épuisement par la chaleur peut encore laisser une porte de sortie, le coup de chaleur, lui, exige que cette porte soit franchie avant qu’elle ne se referme. Pour celui qui voyage au long cours, connaître ces signes, écouter son corps, choisir ses heures et ses points d’eau n’est pas du luxe. C’est la garantie de revenir entier, avec des souvenirs d’étapes… et non une simple page blanche.
Etre toujours à l'écoute de son corps
Alors que faire pour anticiper ces situations ? L’épuisement par la chaleur survient lorsque l’organisme perd trop d’eau et de sels minéraux par la transpiration, sans compensation suffisante. Les symptômes fréquents sont la fatigue intense, la faiblesse musculaire, la transpiration abondante, les étourdissements, les maux de tête, l'envie de dormir, les nausées, les crampes musculaires, le pouls rapide mais régulier. Les risques ? Sans intervention rapide, il peut évoluer vers un coup de chaleur.
Ce dernier est bien plus grave. C’est une urgence médicale vitale. La température corporelle grimpe au-delà de 40 °C et le système de régulation thermique s’effondre. Les signes d’alerte : Peau chaude, rouge, sèche ou moite, confusion, troubles du comportement, propos incohérents. Cela peut aller jusqu'à la perte de conscience ou de convulsions. La respiration devient rapide, le pouls fort. Sans oublier les nausées et vomissements. Sans prise en charge immédiate, le coup de chaleur peut entraîner des lésions cérébrales, des atteintes aux organes vitaux et le décès.
Que faire en cas d’urgence ?
Face à un épuisement par la chaleur, il faut mettre la personne au frais, soit dans une pièce climatisée ou dans une zone ombragée. Penser à l'yydrater avec de l'eau fraîche (pas glacée), des boissons légèrement salées ou des solutions de réhydratation. Ne pas hésiter à rafraîchir la personne avec des serviettes humides, à l'aide d'un ventilateur ou la mettre sous une douche tiède. Et bien sûr, un repos strict jusqu’à disparition des symptômes.
Je l’ai vécu. Sous un soleil de plomb, j’ai compris qu’on ne négocie pas avec la chaleur : on la respecte… ou on pose pied à terre. Sous peine d'y risquer sa santé.
Face à un coup de chaleur, appeler immédiatement le 15 (ou le 112). Il faut mettre la victime à l’ombre ou dans un lieu climatisé, l'allonger avec les jambes légèrement surélevées. Il faut surtout refroidir la personne rapidement : vêtements retirés, aspersion d’eau froide, glaçons enveloppés aux aisselles et à l’aine, ventilateur dirigé vers la peau humide. Enfin, il faut surveiller la respiration et la conscience jusqu’à l’arrivée des secours.
Comment les éviter pendant une canicule ?
Pour un cyclotouriste et autre cycliste, éviter l’épuisement ou le coup de chaleur en pleine canicule tient autant à l’anticipation qu’à l’écoute de soi. Voilà les points clés à respecter :
- Choisir ses heures de selle. Rouler tôt le matin ou en fin de journée, éviter la tranche 12 h – 17 h.
- Adapter l’itinéraire : privilégier les zones ombragées, les routes forestières, les bords de rivière.
- Boire avant d’avoir soif. 500 à 750 ml d’eau par heure d’effort, par petites gorgées régulières.
- Alterner eau pure et boisson légèrement salée ou électrolytique pour compenser la perte de minéraux.
- Remplir les bidons à chaque occasion, même s’ils ne sont pas vides. Les cimetières sont les " bars à cyclos."
- S’habiller pour respirer le mieux possible. Maillot clair, respirant, manches légères pour protéger la peau.
- Casquette fine ou bandeau sous le casque pour éviter l’insolation directe.
- Gérer l’effort en réduisant son intensité. Garder toujours en tête que la chaleur augmente la charge sur le cœur.
- Faire des pauses fréquentes à l’ombre, de préférence près d’une source d’eau.
- Se rafraîchir régulièrement. Humidifier maillot, nuque et bras.
- Tremper la casquette ou le buff dans l’eau fraîche.
- Etre à l'écoute de son corps, c'est surveiller ses signaux. Fatigue inhabituelle, crampes, vertiges = alerte.
- Si la sueur s’arrête et que la peau devient sèche et chaude, c’est une urgence : s’arrêter, se refroidir et appeler les secours.
Croyez-moi, je sais de quoi je parle.
« Sur une sortie, j’ai senti cette chaleur aspirer toute mon énergie. Les jambes molles, l'envir de dormir, la tête lourde, le paysage flou, le manque de conscience. J’ai compris que ce n’était plus seulement la fatigue d’une longue étape : c’était la chaleur qui prenait le contrôle. J’ai trouvé un coin d’ombre, bu lentement, je me suis allongé en régulant ma respiration, attendu que le monde se remette en place dans ma tête et dans mon corps. Je suis reparti à allure de sénateur, m'arrêtant souvent pour me rafraîchir... Un vrai chemin de croix. »
Depuis, je respecte cette règle simple : sur la route, on peut défier le vent, la pluie ou les kilomètres, mais jamais le soleil brûlant. Lui, on le contourne… ou il nous arrête. A méditer.