Longtemps relégué au rang d’accessoire de loisir, le vélo est aujourd’hui au cœur des enjeux de mobilité durable et d’indépendance industrielle. En visant Giant, l’administration Trump montre que même les deux-roues sont devenus un terrain de confrontation géopolitique.
Certes, les accusations liées aux conditions de travail doivent être prises au sérieux. Mais on ne peut ignorer le calcul économique qui sous-tend cette décision. Giant représente une part majeure du marché américain. Bloquer ses importations, c’est créer une brèche pour les fabricants locaux et réduire la dépendance vis-à-vis de l’Asie.
Le marché du vélo est déjà en tension : explosion de la demande pour les VAE, délais de production qui s’allongent, coûts logistiques en hausse. Cette interdiction pourrait aggraver la situation et conduire à une inflation des prix pour le consommateur. Pire encore, elle risque de fragiliser les distributeurs indépendants qui n’ont pas la capacité d’absorber de tels chocs.
Il est clair que la décision de l’administration Trump de bloquer l’importation des vélos et composants Giant aux États-Unis ne devrait pas rester sans conséquence pour le marché européen. Premier importateur mondial, l’Amérique joue souvent un rôle d’amplificateur à savoir que ce qui s’y produit se répercute ailleurs.
En Europe, plusieurs risques se dessinent. Tout d'abord, la pression sur les prix. En effet, en redirigeant une partie de ses volumes vers l’Europe, Giant pourrait chercher à compenser ses pertes par une politique tarifaire plus ferme avec comme répercution, une possible inflation sur certains segments, notamment le vélo à assistance électrique déjà en forte demande.
D'autre part, on pourrait enregistrer des retards et tensions logistiques. La supply chain mondiale, déjà fragilisée, risque de connaître de nouvelles secousses. Entre délais de transport, saturation des usines et redistribution des stocks, les distributeurs européens pourraient faire face à des ruptures ponctuelles.
Ensuite, bien qu'il existe des opportunités pour les marques européennes, Cube, Orbea, Decathlon ou encore Riese & Müller pourraient profiter de ce vide pour renforcer leur visibilité. Mais leur capacité à répondre à une demande accrue reste limitée par la dépendance commune aux composants asiatiques.
Enfin, le scénario politique est très incertain. Si l’Union européenne décidait de suivre l’exemple américain en lançant ses propres enquêtes sur les pratiques sociales en Asie, le marché européen entrerait à son tour dans une zone de turbulences. En clair, l’Europe se retrouve face à un dilemme délicat à résoudre.
Doit-elle profiter d’un marché plus ouvert à ses marques locales ou subir de plein fouet un choc logistique et économique importé des États-Unis. Mais une certitude demeure et elle est de taille. La filière vélo, en pleine croissance grâce à la transition vers la mobilité douce, n’est pas à l’abri des secousses de la géopolitique mondiale.
Washington a choisi de jouer la carte du bras de fer. Mais cette stratégie pourrait se retourner contre elle si les consommateurs américains voient les prix grimper et l’offre se raréfier. Cependant, reste une interrogation : le vélo deviendra-t-il le nouveau champ de bataille du protectionnisme mondial ? Là est une question cruciale pour l'ensemble de la filière mondiale.