Acteurs Locaux Les deux Savoie – Lyon–Turin, moteur ou mirage ?
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Article N°28969

Acteurs Locaux Les deux Savoie – Lyon–Turin, moteur ou mirage ?

Lyon–Turin bouleverse déjà l’économie des deux Savoie : emplois, sous-traitance, logements, et demain un fret moins polluant. Tour d’horizon chiffré des retombées visibles en Maurienne et des opportunités — comme des risques — pour l’ensemble du territoire savoyard.
 

« Le chantier est local ; les bénéfices seront régionaux si l’on y prépare nos entreprises. »


1) Ce que le chantier pèse déjà en Savoie

Le « Grand Chantier » n’est plus une promesse : il irrigue l’économie locale par vagues successives de marchés. Au 31 décembre 2023, 615,4 M€ de contrats de sous-traitance avaient été engagés sur les principaux lots côté français (CO5a, CO6-7, CO8, CO9a). 10 % sont allés à des entreprises de Maurienne (62,5 M€), 48 % à des entreprises d’Auvergne-Rhône-Alpes au total. Le reste se partage entre autres régions françaises et opérateurs étrangers pour les technologies très spécialisées (tunneliers, convoyeurs, usines à voussoirs). Dans le détail sectoriel, les travaux spécialisés/génie civil totalisent environ 100,6 M€ ; l’ingénierie environ 69,1 M€ ; l’entreposage et les transports environ 59,9 M€ ; le commerce de gros environ 54,3 M€ ; la fabrication de produits métalliques environ 37,3 M€ ; les machines et équipements environ 26,7 M€. En Maurienne, « travaux » et « entreposage & transports » cumulent à eux seuls environ 30,1 M€ et 5,7 M€.

Répartition des contrats de sous-traitance par zone géographique (cumul fin 2023)

Territoire Part Montant
Maurienne 10 % 62,5 M€
Autre Savoie 5 % 32,5 M€
Autre Auvergne-Rhône-Alpes 27 % 166,2 M€
Autre France 25 % 151,8 M€
Étranger 33 % 202,4 M€


2) Emplois, compétences, logements : un triptyque clé
L’emploi de chantier a franchi 2 700 personnes fin 2024, dont 49 % originaires d’Auvergne-Rhône-Alpes (18 % de Maurienne, 14 % du reste de la Savoie). Cette dynamique a entraîné des réhabilitations de logements et des plateformes dédiées : Mon Emploi Lyon-Turin (emploi-formation) et Appui Lyon-Turin Entreprises (accès des PME aux marchés). À titre indicatif, la Région évoquait environ 940 emplois accompagnés et près de 200 salariés formés via la plateforme, ainsi que près de 600 logements réhabilités pour héberger les équipes. Côté recrutements, les besoins 2024-2025 ont porté sur conducteurs d’engins, mineurs, monteurs, mécaniciens, électriciens, ainsi que sur les métiers QSE. Cette tension de main-d’œuvre favorise la montée en compétences locale… à condition d’organiser la formation continue et la mobilité inter-chantiers.

3) Et la Haute-Savoie ? Les effets indirects
Si la Haute-Savoie n’accueille pas les fronts d’excavation, ses filières métallurgiques, machines et équipements sont naturellement candidates aux retombées de second rang : pièces, sous-ensembles, maintenance, instrumentation, contrôle. Les volumes « métalliques » et « machines » déjà observés dans la sous-traitance confortent cette perspective.

4) Après le chantier : quel effet structurel sur l’économie locale ?
Le cœur du projet, le tunnel de base du Mont d’Ambin (57,5 km), vise un report d’environ 1 million de poids lourds par an de la route vers le rail sur l’arc alpin. Le chantier émettrait de l’ordre de 10 Mt de CO₂, compensées en une quinzaine d’années d’exploitation selon le promoteur ; au-delà, l’exploitation générerait des gains durables (air, bruit, congestion). Concrètement, cela ouvre des places de marché logistiques nouvelles (fret ferroviaire, route de proximité, entreposage), des services (maintenance des installations et du matériel roulant) et des centralités autour de Saint-Jean-de-Maurienne/Suse.

5) Calendrier et crédibilité économique
La littérature récente situe l’achèvement du tunnel de base vers 2032-2033, avec un risque de décalage des accès français au-delà (jusqu’à la décennie 2040 selon certaines analyses). La valeur économique locale dépendra de la synchronisation tunnel/accès et de la capacité à remplir la ligne en trafic fret et voyageurs.

6) Financement : l’Europe, amortisseur des risques
L’Union européenne cofinance fortement la section transfrontalière (tunnel de base) via le Mécanisme pour l’Interconnexion en Europe (CEF). En juillet 2024, une dotation supplémentaire de 700 M€ a été décidée, confirmant la place du Lyon–Turin parmi les grands projets TEN-T. De façon générale, l’UE finance jusqu’à 50 % la section transfrontalière, le solde revenant à la France et à l’Italie. En 2025, la Commission a élargi l’éligibilité de certaines sections nationales au cofinancement, ce qui sécurise le montage dans la durée.

7) Risques à maîtriser : surcoûts, inflation, séquence des travaux
Le coût de la section internationale a été réévalué autour de 11,1 Md€ (contre 8,6 Md€ auparavant), avec une mise en service glissant à 2033. Ces hausses sont classiques sur des méga-projets souterrains, mais appellent : rigueur d’exécution, clauses d’indexation, et surtout ancrage local pour capter une part maximale de valeur. Les chambres et cours des comptes rappellent aussi la prudence budgétaire générale : les effets d’entraînement ne justifient pas tout.

8) Mode d’emploi local — cinq leviers très concrets
1. Cibler les lots « accessibles » : génie civil secondaire, logistique, fournitures, contrôles, maintenance pré-exploitation. L’Observatoire montre qu’une part significative des travaux de construction/génie civil est assurée par des entreprises de proximité en Maurienne.
2. Structurer les groupements : pour franchir les seuils techniques/financiers des marchés, encourager des alliances PME-ETI, en s’appuyant sur Appui Lyon-Turin Entreprises.
3. Former à flux tendu : poursuivre l’effort sur les métiers de mineurs, mécaniciens, électriciens, QSE, et anticiper les métiers d’exploitation (énergie, signalisation ERTMS, sécurité).
4. Préparer l’après-chantier : plateformes de fret multimodal et services connexes (réparation, location, entreposage), pour capter le report modal à l’ouverture de la ligne.
5. Protéger les riverains : circulation d’engins, carrières, nuisances ; la « Démarche Grand Chantier » reste l’outil de pilotage préventif indispensable (suivi, médiation, hébergement, services).

9) Petit scénario d’ordre de grandeur
Si 100 M€ de sous-traitance supplémentaire étaient engagés en une année comparable, environ 10 M€ reviendraient à la Maurienne en moyenne (sur la base des parts fin 2023) et environ 48 M€ au reste d’Auvergne-Rhône-Alpes — sans compter les effets indirects (salaires dépensés localement, achats de second rang). C’est un effet de chaîne : à condition d’organiser la montée en gamme des PME et l’offre de logements/transport pour attirer et retenir les équipes.


En deux mots
Oui, le Lyon–Turin est déjà un moteur pour les deux Savoie : emplois, contrats, compétences. Mais l’ampleur des bénéfices durables dépendra de trois choses simples : aligner les calendriers, sécuriser les financements et faire grandir l’écosystème local autour des métiers du rail et de la logistique. À nous d’en fixer la trajectoire — avec lucidité et méthode.


Pour aller plus loin — sources
— Observatoire du Grand Chantier Lyon–Turin (Données clés, 2025)
— Démarche Grand Chantier (présentation & Observatoire)
— TELT — dossiers et communiqués 2024–2025
— Région Auvergne-Rhône-Alpes — dispositifs emploi/formation/logement
— Financements européens — Mécanisme pour l’Interconnexion en Europe (CEF)
— Analyses publiques sur coûts et calendrier (cours et chambres des comptes)


A propos de l'auteur:
Me  Ludovic VULLIERMET - NOTAIRE – Officier Public et Ministériel.

*Chargé de Cours et d’ Enseignements   des  UNIVERSITES  DE SAVOIE - MONT BLANC, GRENOBLE – ALPES  et  JEAN MOULIN LYON III.
UFR   POLYTECH  et  UFR  FACULTE DE  DROIT / COLLEGE  DU  DROIT .
- Droit de l’Urbanisme (Droit Public)  et  Droit  de  la construction (Droit Privé)  / Aménagement du Territoire .
- Droit des Collectivités Locales / Droit Immobilier des Collectivités Locales.

*Chargé de Cours et d’ Enseignements   du GROUPE INSEEC U   (Institut des Hautes Etudes Economiques et Commerciales)  INSEEC MSC & MBA et du GROUPE ECORIS (L’école de l’Entreprise)
- Gestion de  Patrimoines  et Droit des Personnes  (Droit des Successions et Droit des Régimes matrimoniaux) .
- Fiscalité Immobilière  et Marchés Immobiliers.


Me Ludovic VULLIERMET NOTAIRE – Officier Public et Ministériel

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