Dans cet article je m'interroge sur l'évolution des législations sur les réseaux sociaux (RS) et les messageries chiffrées, et la volonté de les changer à travers de l'Europe, sous couvert de lutter contre la criminalité, mais dont le résultat à terme c'est la diminution, voire la disparition de la protection de notre vie privée.
Il faut rappeler que lorsque l'état ou toute organisation supranationale cherche à contrôler la vie privé des gens, c'est que nous ne sommes plus en démocratie. C'est le principe appliqué méthodiquement pas l'ensemble des dictatures du 20ième siècle et avec une certaine efficacité les dictatures communistes (Staline, Mao et Pol Pote pour les plus connues).
#ViePrivé #LibertéExpression #Démocratie
Probablement sous l’effet de la torpeur estivale, certaines menaces sur nos libertés fondamentales ont surgit cet été sans toutefois déclencher de réactions. Or il ne s’agit pas de signaux faibles mais de petits pas qui si on n’y prend garde mis bout à bout préparent une société à la 1984 de George Orwell. Exagéré ? Je vous laisse juge.
Une première nouvelle qui a fait peu de bruit, et qui pourtant mérite que l’on s’y arrête, est la mise en consultation en Suisse d’une loi sur la surveillance des communications qui, si elle était mise en place, mettrait à mal la sécurité de nos données et communications. Il s’agit ni plus ni moins que de cibler directement les services de confidentialité et d’anonymat tel que les VPN (Virtual Private Network) demandant un enregistrement des adresses IP en les conservant 6 mois, et en exigeant que les fournisseurs puissent déchiffrer les données des utilisateurs à la demande (PixelUnion – 25 juillet 2025). Inquiet de ce flou législatif en Suisse l’éditeur de logiciel Helvète Proton qui a construit son modèle sur la protection de nos données personnelles a choisi de baser ses serveurs en Allemagne et Norvège(L’usine Digitale 24 juillet 25) .
La seconde alerte vient d’un projet de loi européen de 2024 « ChatControl » auquel de nombreux pays européens étaient initialement opposés mais qui semblent à présent reconsidérer leur position. En quoi consiste le projet ? Partant de la volonté louable de lutter contre la pédocriminalité, l’idée serait d’obliger les fournisseurs de services de courrier électronique, de chat et de messagerie à rechercher automatiquement des contenus suspects avant envoi crypté (Développez.com 1er août 25). Le résultat est une surveillance de masse en temps réel de tout type de messagerie supprimant par la même la confidentialité de la communication numérique. Un nouveau vote est prévu en octobre et le basculement des indécis pourraient nous précipiter dans une ère de mauvais augures… Dans cette excellente analyse de Patrick Breyer dans l’article de Développez.com 1er août 25 on comprend que l’objectif visé ne sera pas atteint. Alors à quoi peut bien donc servir cette analyse de masse ?
C’est là où une accusation du fondateur de l’application Telegram à l’encontre de la DGSE (service de renseignement extérieur français) prend un sens tout autre et pour le moins interroge. En effet, lors de son interview avec le Point (Entretien exclusif du 18/06/25 Le Point recueilli par Guillaume Grallet) on lui aurait selon ses dires demandé de supprimer des chaînes Telegram animées par des partisans du candidat conservateur à l’élection présidentielle roumaine, ce qu’il aurait refusé de faire. Cela ne reste que ses affirmations, certains les prendront sans réserve d’autres avec plus de précautions, cependant cela dénote selon moi d’un climat délétère dans nos démocraties occidentales qui interroge. Interrogations sur une potentielle dérive illibérale de l’Europe au sens large incluant la Suisse où le fonctionnement démocratique réel peut être remis en cause par des technocrates aux pouvoirs auto-octroyés exorbitants sans que les citoyens européens aient leurs mots à dire.
La Loi Européenne sur la Liberté des Médias (EMFA) arrive ce début août 2025. Ceux qui l’ont porté s’en félicite et annonce une avancée majeur sur la liberté de la presse et la protection des journalistes. La plupart de la presse s’en félicite et Reporter Sans Frontière a posté son satisfecit (RSF.org) cependant il existe quelques voix dissonantes comme Médiapart (Mediapart - le Blog 9 août 2025) qui pointent les risques apportés par les clauses exceptionnelles qui pourraient autoriser une surveillance intrusive. Il est en ce point rejoint par un site dit de média alternatif réputé comme complotiste (Le Média 4-4-2 le 10 août 25) qui lui s’insurge contre cette nouvelle loi. Sans nécessairement prendre position, on peut noter cependant la contradiction qu’il y a de voir une loi protégeant la liberté de la presse avec ses exceptions, et une volonté de pouvoir accéder à l’ensemble des contenus échangés via les messageries cryptées ou tout autre outil favorisant l’anonymat et la préservation de la vie privé mais pas seulement, car ces outils sont devenus indispensables à de nombreux journalistes…
Un autre projet européen interroge et véhicule de nombreux fantasmes réels ou supposés, celui de l’Euro numérique. Selon le gouvernement l’Euro numérique ne serait qu’une monnaie digitale de la banque centrale visant à compléter les espèces. Sa phase de préparation s’achèverait fin octobre avec un déploiement potentiel entre 2027 et 2028 (Ministère de l’économie). Si on creuse un peu il s’agit d’une crypto monnaie adossée à l’Euro actuel et donc avec toutes les garanties de traçabilité impliquée par la technologie de la Block Chain mais là s’arrête la comparaison, car ici le mécanisme sera non pas décentralisé mais au contraire centralisé (Journal du net 19 juillet 2021) avec un risque important sur la protection de notre vie privée. Compte tenu des penchants de certains groupes politiques pour imposer le bon comportement social et écologique, cela peut légitimement interroger, et inquiéter.
Il devient important de poser un regard critique sur ce qui est en train de se passer, le numérique et notamment les progrès affolants dans le domaine de l’Intelligence Artificielle mais pas uniquement, peut nous faire basculer plus rapidement qu’on le pense dans une vision Orwelienne du monde, bien entendu pour votre bien, que vous le souhaitiez ou non. Aux tenants du « je n’ai rien à cacher » il se pourrait que vous finissiez par payer au prix fort le prix de votre insouciance.
Pour se prémunir de cette volonté de contrôle intrusif qui ne peut s’appliquer que sur des solutions numériques centralisées, il sera peut-être nécessaire de recourir à des outils plus décentralisés, mais qui nécessiteront une plus grande technicité, limitant probablement leur large adoption.
Cependant dans une société occidentale fracturée incertaine sur le bien-fondé de ses valeurs et face à la montée du totalitarisme politique et/ou religieux, le pouvoir de coercition et de contrôle que peut représenter la numérisation de notre vie interroge. Dans un monde ou la vitesse et l’instantanéité prime rendant de plus en plus difficile d’avoir un avis éclairé et un regard critique, peut-être serait-il temps de faire l’éloge de la lenteur ?
Emmanuel MAWET