Souveraineté européenne versus souveraineté française
France
S'identifier
Changer de territoire
 Menu
ArticlesWebTvAnnuaire
| Effisyn S.D.S | Intelligence Economique | Souveraineté Industrielle  Vu 2575 fois
Article N°28695

Souveraineté européenne versus souveraineté française

Dans ce nouvel article original d'Effisyn SDS, notre auteur Emmanuel Mawet explore les différences entre la souveraineté européenne et ses contraintes et la souveraineté française. Par quelques exemples il essait de montrer que l'échelon européen n'est pas forcément aussi pertinent que nous pouvons l'imaginer. Bien entendu, il ne s'agit que d'une nouvelle pierre qui nous parait nécessaire à l'édification d'une pensée critique et mieux comprendre les enjeux de souveraineté devant nous. A vous de vous faire votre opinion!

Les changements géopolitiques majeurs suite à l’arrivée de D. Trump pour son deuxième mandatne sont que le symptôme paroxystique d’une politique menée par les États-Unis depuis bien longtemps. En effet, Obahama et Biden eux-mêmes, mais aussi leurs prédécesseurs menaient cette politique « America first », mais il faut l’avouer avec plus de douceur et finesse. Face à ce changement de méthode, la souveraineté est redevenue un sujet de préoccupation de premier plan.
Le cœur de cette préoccupation est pour les pays européens de retrouver une autonomie stratégique dans le domaine de la défense. En parallèle on voit poindre le questionnement sur notre dépendance d’un point de vue numérique aux géants de la tech américains. S’agissant du secteur de la défense la technocratie de l’UE prenant une autorité qu’aucun des traités actuels ne lui confère tente de se saisir du sujet pour pousser à plus d’intégration et évoque une souveraineté européenne.


Souveraineté européenne ?
Si nous voulons prendre un peu de hauteur et comparer ces deux visions de la souveraineté, quels sont les points clés à prendre en compte ?
La souveraineté est comprise comme souveraineté populaire, le pouvoir du peuple souverain par l’entremise d’une démocratie représentative comme en France ou représentative avec plus d’interaction comme les votations populaires pour la Suisse. Dans tous les cas, cela sous-tend la notion de peuple national. Or il n’existe pas de peuple européen au sens strict du terme, il y a des peuples européens, et la nuance à son importance.
Pourquoi ? Tout simplement parce que les intérêts géopolitiques de chacune des nations européennes ne sont pas identiques, entre atlantistes convaincus et pays plus indépendants, entre des pays dotés d’une envergure géostratégique qui couvrent plusieurs fuseaux horaires et des nations concernées uniquement par leur voisins directs, qui peuvent être menaçants comme par exemple la Russie…
Une conséquence directe de ces dissensions de politiques industrielles et géopolitiques lors der programme commun, est un risque industriel pour le consortium issu de cette collaboration voir pour les acteurs industriels nationaux. En effet comment exporter ces matériels développés en commun si l’une des deux parties ,’est pas d’accord, cela c’est déjà vu notamment avec les allemands…
Une autre question non moins importante, est la volonté de construire des géants européens, par la fusion de plusieurs acteurs nationaux, cela pose das questions de gouvernance et d’agilité de gouvernance, cela peut aussi poser des questions sur la localisation des emplois industriels créés ou à conserver et cela pose aussi la question de qui bénéficie le plus de la chaine de valeur généré par la nouvelle entité.
Ces questions sont clés et posent notamment de nombreuses interrogations par exemple dans le cadre du programme MGCS (Main Ground Combat System) où l’Allemagne prend la majorité du gâteau, le siège est en Allemagne les usines majoritairement en Allemagne la gouvernance est allemande. Pour le SCAF (Système de Combat Aérien du Futur) ce n’est pas encore tranché grâce à la résistance logique de Dassault qui a le plus de compétence et qui non seulement ne veut pas laisser le leadership lui échapper, mais mettra tout en œuvre pour ne pas se faire piller son savoir-faire par nos « amis allemands » comme ce fut le cas pour Airbus.


La souveraineté l’Europe le bon échelon vraiment ?
Au delà de l’exemple emblématique qu’est Dassault Aviation, qui a depuis plus de 80 ans nous a assuré notre souveraineté dans le domaine aérien militaire, mais aussi avec de beaux succès dans l’aviation civile, je vous assure que nos leaders industriels n’ont pas nécessité à se dissoudre dans un grand machin technocratique européen pour briller. Citons également un Naval Group, un autre fleuron technologique dans le domaine maritime qui est accompagné de nombreuses TPE, PME innovantes et start-up.
Mais je voudrais pointer du doigt Turgis & Gaillard, une PME française innovante qui en l’espace de quelques mois a réalisé 2 coups de maître. Tout d’abord en 2023 lors du dernier salon du Bourget l’entreprise a annoncé le développement d’un drone MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) appelé Aarok ITAR Free, développé sur fond propre (Opex360.com – 15 avril 2024). Un beau coup de maître avec un eurodrone qui patine, et surtout un outil ITAR Free (nous mettant à l’abri du droit extraterritorial américain) qui nous protège des velléités américaines de mettre leur grain de sel dans le développement commercial ou l’utilisation en opération dudit drone.

La société réservait d’autres surprises. A l’heure où nos LRM (Lance Roquettes Multiples) qui seront obsolètes en 2027 doivent être remplacés, Turgis & Gaillard annonce avoir développé un prototype « Foudre » de LRM qui pourrait utiliser des munitions proposées par MDBA, notre missilier, encore sur fonds propres. Une nouvelle fois ce matériel serait ITAR Free tout en étant compatible OTAN et il aurait une portée allant de 75 à 1000 km (Opex360 – 30 avril 2025) apportant une solution à notre déficit capacitaire dans ce domaine.
Ceci démontre que nous avons des entreprises innovantes et souveraines qui savent délivrer des solutions adaptées à nos besoins.. Si le politique met en œuvre une LPM (Loi de Programmation Militaire) avec les budgets adéquats et que ces budgets ne sont pas retardés, on pourra assister au développement cohérent de notre industrie de défense sans avoir à créer ex-nihilo un champion dit européen tout en gardant notre souveraineté non seulement sur l’utilisation, mais aussi l’exportation, cette dernière étant clé pour pérenniser les emplois industriels sur nos territoires. Et il est bon de rappeler qu’un emploi industriel génère en moyenne 2 à 3 emplois indirects. Dans la situation économique dans laquelle nous sommes nous ne pouvons laisser passer de telles opportunités.
Il serait temps de penser de la même manière dans le secteur du numérique, les mêmes causes produisant les mêmes effets, retour d’emplois dans nos territoires ainsi que les chaînes de valeurs qui auront un effet extrêmement bénéfique sur nos finances publiques.


Il n’y a de souveraineté que Nationale
Les tenants de la souveraineté européenne pourront toujours arguer que l’échelon européen permet de gagner et de garantir notre souveraineté. Sauf que souveraineté partagée, n’est pas souveraineté c’est un oxymore. La souveraineté par définition c’est le « Caractère d'un État qui n'est soumis à aucun autre État. »
La conclusion s’impose d’elle-même : pour disposer d’une réelle souveraineté de défense mais aussi commerciale, compte tenu que l’internationalisation sera un élément clé ici, le bon niveau pour avoir cette souveraineté ne peut être le niveau européen compte tenu des intérêts nationaux divergents. Si le politique assure un environnement économique stable, de la visibilité à long terme et joue la préférence industrielle nationale (non comme le choix allemand pour les fusils mitrailleurs équipant les armées françaises qui a sauvé l’entreprise allemande au détriment d’une entreprise française qui se retrouve désormais en extrême difficulté), cela permettra à nos entreprises nationales innovantes de proposer des solutions pertinentes.
Il est aussi important de renforcer les liens entre armées et les industriels mais aussi les citoyens ce que permet déjà les opérations de sensibilisation sur la BITD (Base Industrielle et Technologique de la Défense) comme celle proposée le 16 décembre dernier en Haute-Savoie (Article).
Produire en France des technologies souveraines est clef et permettra surtout de pouvoir envisager des exportations sans les contraintes que pourraient sinon nos alliés nous imposés qu’ils soient américains par le biais de leurs lois extraterritoriales ou un partenaire européen qui pourraient ne pas avoir la même approche vis-à-vis de clients potentiels.
Ce qui est valable pour l’industrie de la défense l’est tout autant pour les autres industries, dont une qui est à l’origine de la 4me révolution industrielle, le numérique.

 

Emmanuel MAWET

Lien :https://effisyn-sds.com/2025/05/04/souverainete-europeenne-versus-souverainete-francaise/

  • 0
    • j'aime
    • Qui aime ça ? »
  • 0
    • je n'aime pas
    • Qui n'aime pas ça ? »
  •  
 

Réagissez, commentez !

  • Aucun commentaire pour l'instant
rechercher un article, une vidéo...
Rechercher un TERRITOIRE ou un BLOG