Tout a été écrit sur Saint-Jacques de Compostelle. Saint-Jacques Le Majeur l’un des apôtres du Christ mort en martyre à Jérusalem en 44 est enterré par ses disciples en Galice. Découvert vers 813, son tombeau devient en trois siècles l’un des trois grands pèlerinages de la chrétienté, avec Rome et Jérusalem. Sa popularité décroît à partir du XIVème siècle jusque dans les années 80 où il renaît comme un patrimoine culturel et spirituel.
En 1987, le Conseil de l'Europe désigne le chemin de Saint-Jacques de Compostelle "Premier itinéraire culturel européen". On compte actuellement 281 chemins recensés dans 29 pays qui représentent plus de 83 000 km. Ils sont entretenus par 100 associations jacquaires dans toute l'Europe.
Si le pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle revêt une importance particulière pour la communauté chrétienne, aujourd’hui, croyants ou non-croyants, des centaines de milliers de pèlerins marchent chaque année sur les chemins menant à Compostelle, pour des raisons religieuses, spirituelles, culturelles ou personnelles.
Il existe 80 associations jacquaires en France et plus de 300 dans le monde qui accueillent et aident les pèlerins à préparer le chemin (Camino). Nous avons rencontré la délégation Savoie (lien) de l’association « Compostelle en Rhône-Alpes » (lien), une association pas comme les autres.
La région Rhône Alpe est traversée par la via Gebennensis, un chemin de 350 km qui relie Genève au Puy-en-Velay. Développée dans les années 90 par les fondateurs de l’association et reconnue chemin de grande randonnée (GR) par la FFRP (Fédération Française de la Randonnée Pédestre), elle est empruntée par les pèlerins en provenance de l’est de la France, la Suisse, l’Allemagne, l’Autriche et les pays de l’est.
C’est l’association « Compostelle en Rhône-Alpes » qui veille au balisage des sentiers et à leur entretien afin de garantir la sécurité des pèlerins tout au long des 2000 km de chemin qui traversent la région. Autre particularité, l’association dispose d’un réseau de 300 Accueils Jacquaires qui reçoivent les pèlerins munis de la Credencial, un livret qu’ils font tamponner à chaque étape et qui les distingue des simples randonneurs. Chaque pèlerin contribue financièrement à son hébergement selon ses moyens, c’est le donativo, libre participation aux frais.
L’énergie de ces bénévoles est inépuisable. En plus de ses activités d’information, d’édition de guides jacquaires, de balisage des chemins, l’association propose des cours d’espagnol, des randonnées, des conférences, des expositions, et gère, avec ses hospitaliers, les gîtes de Chavannay (43) et l’accueil pèlerin du Puy-en-Velay. Et ce n’est pas tout ! Tous les deux ans l’association organise un pèlerinage en joëlettes vers Compostelle, à l’attention des personnes à mobilité réduite. Un projet qui permet à des adultes handicapés de réaliser leur rêve en prenant le chemin de Compostelle. Deux ans, c’est le temps qu’il faut aux porteurs du projet pour sélectionner les candidats, les accompagnateurs, organiser la logistique tout au long du chemin et trouver les financements, donateurs individuels, sponsors.
Mais nous y sommes ! Le 8 septembre, se sont élancées les Joëlettes 2025, un groupe de 56 personnes, dont 6 à mobilité réduite, 3 malvoyantes et l’équipe d’accompagnateurs. Le nom de « Joëlettes » rend hommage à son inventeur Joël Claudel, un accompagnateur de montagne qui a imaginé cette chaise pour son neveu atteint de myopathie en 1987. D’artisanale, la conception de cet appareil de transport s’est industrialisée et c’est un fabricant Stéphanois, Ferriol-Matrat, qui les fabrique aujourd’hui (lien). La Joëlette ne comporte qu’une seule roue, ce qui lui permet de se faufiler dans les sentiers même les plus étroits et escarpés.
Sur le chemin, 6 personnes sécurisent chaque pèlerin handicapé, deux personnes de chaque côté, une devant, une derrière. Tous ensembles ils vont faire 10 km par jour à pied entrecoupés de portions en bus pour rallier leur gîte pour la nuit. Ils atteindront Saint-Jacques de Compostelle en 13 jours. Au fil des kilomètres, la solidarité soude l’équipe, l’émotion partagée rapproche les âmes, rappelant que le chemin de Compostelle n’est pas seulement une quête spirituelle, mais aussi un témoignage puissant de résilience et d’entraide.
Les Joëlettes reviendront en bus, en plusieurs jours, chaque halte organisée pour continuer à nourrir les pèlerins de beaux souvenirs et de nouvelles d’émotions, reflet de la générosité des organisateurs.
Pour tous les pèlerins, le chemin c’est le retour à l’échelle humaine, la vie au rythme des pas, un rythme imposé par les limitations du corps et des éléments ; 90 jours pour parcourir une distance de 1700 km depuis la Savoie. Comment revenir ? En 1h30 d’avion et 1h00 de bus ! Ce décalage est vertigineux. Certains ne se posent pas autant de questions. Les opérateurs du tourisme se sont emparés du filon et vendent le chemin clé en mains, l’effort modéré allié au confort moderne. Certains y verront une démocratisation bienvenue, d’autres y percevront une marchandisation et la perte d’une authenticité sacrée – un vrai reflet des enjeux de notre époque.
Il est des rencontres qui remuent et la rencontre de ces bénévoles est de celles-là. Ces deux heures passées avec eux, leur bienveillance, leur passion, leur volonté de transmettre m’ont donné envie de prendre le chemin un jour. Le Camino, c’est un chemin au propre, mais c’est aussi un chemin intérieur, c’est de la sueur, de la douleur et des larmes de joie. Chacun vit le chemin comme il le souhaite, certains partent en groupe, certains préfèrent partir seuls, certains s’y rencontrent et poursuivent un bout de chemin ensemble.
Images copyright Compostelle en Rhône-Alpes