Un collectif d'acteurs engagés pour développer le reconditionnement de qualité
Tribune publiée dans le Nouvel Obs
le 26 mai 2025 à 9h30, mis à jour le 26 mai 2025 à 9h54
Dans cette tribune, de nombreux acteurs du réemploi s’inquiètent de la « fraude massive » lors de la vente de produits reconditionnés en ligne. Ils en appellent à la mobilisation des pouvoirs publics, des plateformes et des consommateurs.
Le boom du commerce en ligne, moteur de transformation de nos modes de consommation et représentant plus de 50 % des achats consommateurs, n’épargne pas le secteur du reconditionné. Smartphones, tablettes, ordinateurs : des millions de produits y trouvent une nouvelle vie. Ce marché en pleine croissance est pour autant aujourd’hui gangrené par des pratiques frauduleuses qui mettent en péril des entreprises françaises vertueuses, de même que la confiance des consommateurs.
Derrière des offres alléchantes, en particulier sur les plateformes en ligne, se cache une réalité beaucoup plus sombre : une fraude massive, menée par des vendeurs peu scrupuleux, souvent installés hors de l’Union européenne. Ces pratiques possibles sur certaines plateformes fragilisent l’économie circulaire européenne et sapent les fondements de la concurrence loyale.
Une fraude massive
Les exemples de dérives sont nombreux et préoccupants, en particulier en matière de fraude à la TVA. Des vendeurs s’affranchissent totalement du paiement de TVA, et ni le montant ni le régime de TVA spécifique n’apparaît sur les factures, permettant ainsi de proposer des produits neufs et reconditionnés à des prix inférieurs à ceux pratiqués par des acteurs vertueux. Certains vendeurs fraudent également la TVA sur marge en appliquant illégalement le régime de TVA sur marge, dissimulant l’origine extra-européenne des produits.
Le non-paiement des éco-contributions et de la redevance copie privée est également courant, entraînant une différence de coûts pouvant atteindre 15 euros par appareil.
Le dumping tarifaire est aussi pratiqué, avec des prix de vente inférieurs aux prix d’achat des produits usagés, révélant des pratiques commerciales déloyales qui faussent la concurrence.
On constate également un non-respect des normes techniques, avec des produits vendus sans marquage CE et sans connectique USB-C, pourtant obligatoire depuis décembre 2024, témoignant d’un contournement délibéré de la loi.
Enfin, des omissions sur les factures, telles que l’absence de factures, de coordonnées ou de numéro de TVA intracommunautaire, empêchent tout recours pour les acheteurs lésés.
Les produits venant de vendeurs en ligne peu vertueux peuvent présenter des risques sanitaires et sécuritaires pour le consommateur : explosion de batterie, départ de feu d’accessoires pouvant être de mauvaise qualité… Les consommateurs de produits online n’ont pas la possibilité de retourner voir leur vendeur contrairement à un achat en boutique physique.
Un impact direct sur les acteurs vertueux et la transition écologique
Ces dérives fragilisent les entreprises européennes qui investissent dans le réemploi industriel responsable. Avec des écarts de prix allant jusqu’à 200 euros entre un produit conforme et un produit frauduleux, les vendeurs honnêtes sont écartés d’un marché qui semble préférer l’opacité et la triche.
La confiance des consommateurs dans les produits reconditionnés – pourtant essentiels à la sobriété numérique – s’effrite. De plus, de nombreux acteurs sont réputés installés au sein de l’Union européenne, alors qu’ils fonctionnent via un système de « boîte aux lettres », rendant impossible tout contact avec le vendeur initial.
Des pertes colossales pour l’Europe et les citoyens
La fraude à la TVA représente une perte significative pour les finances publiques de l’Union européenne, estimée à environ 90 milliards d’euros en 2021, soit davantage que le budget annuel français de la Défense et de l’Ecologie réunis. Ces chiffres ne représentent que la partie émergée de l’iceberg. Si rien n’est fait, les pertes pour les Etats membres et pour les entreprises vertueuses atteindront des niveaux insoutenables, à l’heure où l’Europe a plus que jamais besoin d’assurer sa résilience dans un contexte économique et politique mondial incertain.
Agissons maintenant
Le commerce en ligne ne doit pas devenir un eldorado pour les fraudeurs. Il doit, au contraire, être un levier puissant pour une économie plus durable, mais à condition que des mesures fortes soient mises en place.
Il est impératif de mettre en place des contrôles renforcés par les autorités compétentes et de faciliter les procédures de signalement.
Un contrôle renforcé par les plateformes est aussi nécessaire, avec l’obligation de vérifier les factures, l’identité des vendeurs et avoir des garanties de la part des vendeurs qui assurent la conformité technique des produits qu’ils mettent sur le marché.
En complément, il est nécessaire que les marketplaces prennent leur responsabilité et soient co-solidaires du paiement des taxes, redevances et éco-contributions en cas de défaillance des vendeurs.
Un audit obligatoire par un tiers indépendant devrait également être institué pour garantir le respect des obligations fiscales, sociales et environnementales, avec, par exemple, une certification (ISO, etc.) et/ou une labellisation des vendeurs par exemple via le Label RecQ vérifié par DEKRA Certification.
Enfin, une sensibilisation des consommateurs est cruciale : il est important d’exiger une facture complète et conforme et en cas de doute sur l’origine ou la légalité du produit, le renvoyer.
Tribune signée par des acteurs engagés pour développer le reconditionnement de qualité en France :
Nadjib Renai, délégué général de RCube, la Fédération du Réemploi et de la Réparation
Jean-Michel Buf, président du Conseil national de l’Economie circulaire
Martin Pourbaix, codirecteur d’AcSoMur
Christian Makaya, enseignant-chercheur à Ascencia Business School
Eric Bothorel, député Renaissance des Côtes-d’Armor
Philippe Latombe, député MoDem de Vendée
Daniel Salmon, sénateur Ecologiste d’Ile-de-Vilaine
Aziz Aaiche, cofondateur de BmyPhone.fr
Gaëtane Lemarchand, directrice RSE de Boulanger
Lionel logiacco, coprésident de Cash Express Groupe
Stéphane Belot, Directeur de la Transition écologique et sociétale chez Electro Dépôt
Denis Sabardine, coordinateur de projets à impacts positifs
Darani Sivathasan, présidente de CFA GSM Master, l’école du réemploi
David Gascoin, directeur général de Circulae
Philippe Cottet, directeur général de Cofiem Electronics
Didier Babout, directeur de Convertgence
Bruno Bouvard, directeur commercial & marketing chez Digitim
Anne-Sophie Caistiker, fondatrice de Doctibike
Clément Bongibault, président d’e-Recycle
Marine Sappey, présidente d’Ekstere
Cyril Colonval, gérant d’Electro-Sphère
Gaetan Mens, chargé de mission chez Emmaüs Terre
Frantz Molerat, directeur de la performance chez Envie Nord
Sébastien Valoggia, président d’Ezytail
Gilles Saint-Didier, président délégué de Fedelec
Arnaud Fouillet, gérant de Greentic
Emma Levy Maya, chargée du plaidoyer chez HOP - Halte à l’obsolescence programmée
Benoît Varin, président de RCube
Zhigang Ding, présidente d’ITP Technologie
Olivier Huzard, gérant de Joulenvrac
Emmanuel Rousseau, PDG de Leasétic
Virgile Phelep, conseiller numérique à la Ligue de l’Enseignement de la Mayenne
Grégory Terrier, animateur du réseau régional Repair Cafés Hauts-de-France à la Maison régionale de l’Environnement et des Solidarités
Philippe Cougé, président de Mediaclinic
Cédric Madianga, Indépendant NA
Christophe Deboffe, président de Neo-Eco
Laurence Payre, présidente de NoWW
Olivier Masson, gérant d’OlivierPc
Jean-Emile Rosenblum, CEO de Pixmania
Michael Behnke, président de Plant Litter Association
Roselyne Jeanne-Brou, présidente de la commission batterie de RCube
Augustin Becquet, directeur général de Recommerce Group
Daniel Broche, président de Reconomia
Sébastien Raynaud, directeur général de Recyclea
Carole Riehl, présidente de RecyclOptics
Cédric Carles, président de RegenBox
Julien Connac, dirigeant chez Remober
Julie Potier, citoyenne de Rennes
Aubin Lefebure, directeur général de Revalo
Philippe Correia, Head of Second Life chez Samsung Electronics France
Renaud Attal, cofondateur de CoRecyclage
Louis Mettery, cofondateur de Seensys
Jean-Marie Croué, directeur général du Syndicat du Luminaire
Alexandre Isaac, CEO de The Repair Academy
Julien Raynal, président de Twicy
Laurent Houvenaghel, directeur général de Tyval
Aldric Meneghel, dirigeant d’Utopya
Romain Letenneur, directeur de WEEElogic
Merzak Meddah, directeur général d’Electro Dépôt
Philippe LATOMBE