Replis stratégiques
En dehors des problèmes techniques qui ne peuvent être résolus en mer (et les navigateurs n’arrêtent pas de régler moult petits soucis à bord), plusieurs concurrents ont préféré se réfugier avant la troisième dépression qui arrive déjà sur les Açores. Or cette perturbation s’annonce tout de même puissante avec plus de quarante-cinq nœuds devant le cap Finisterre vendredi midi et plus de trente-cinq nœuds au cœur du golfe de Gascogne, avec un flux de secteur Sud-Ouest. Ce qui laisse entendre que l’état de la mer sera encore terrible, avec des houles croisées et des vagues pyramidales, particulièrement près des côtes ibériques et autour des Açores.
Or c’est vers cette zone que se dirigent plusieurs Multi50 dont les leaders Thibaut Vauchel-Camus et Erwan Le Roux : arriveront-ils à passer avant le front générant une bascule franche du Sud-Ouest à l’Ouest avec des grains violents ? Avec Boris Hermann (IMOCA) qui a choisi de repiquer à l’Ouest mercredi, ils seront les plus exposés. Pour autant, ceux qui n’ont pas pu encore s’extirper du golfe de Gascogne seront aussi cueillis par ce flux très musclé : une quinzaine de Class40 et cinq Rhum seront de nouveau face à une mer très dure. C’est aussi la raison pour laquelle les solitaires réfugiés dans les ports bretons patientent encore tel Jérémie Beyou ou Alexia Barrier (IMOCA) : une ouverture météorologique est prévue en fin de week-end et ils devraient être nombreux à reprendre le fil de la course après cette « troisième couche » !
© Pierrick Contin
Les alizés se structurent
Pour tous ceux qui ont franchi la ligne virtuelle qui relie les Açores au cap Saint-Vincent, les conditions de navigation seront totalement différentes : déjà la température ambiante a sensiblement grimpée même si le soleil n’est pas toujours au rendez-vous ; ensuite le vent a pris un régime de croisière plus raisonnable autour de 15 à 20 nœuds ; enfin la mer se lisse au fil des milles gagnés dans le Sud. Pour l’instant, seuls les deux trimarans ULTIME de François Gabart et Francis Joyon glissent vraiment dans des alizés (encore poussifs) tandis que les quatre premiers monocoques IMOCA bordurent les hautes pressions au large de Madère.
Enfin entre le cap Finisterre et Madère, la configuration est intermédiaire et tous ceux qui naviguent dans cette zone savent qu’il faut cette nuit mettre du charbon pour éviter le plus fort du nouveau coup de vent. À l’image de Loïck Peyron, Yann Marilley, Gilles Buekenhout (Rhum Multi) qui glissent vers le Sud le long des côtes espagnoles ou de Romain Pilliard (ULTIME) qui est reparti de La Corogne ce jeudi après-midi. Thierry Bouchard (Multi50) le sait aussi, lui qui a vu ses chariots de grand-voile le lâcher, l’obligeant à faire route sous voilure réduite vers Lisbonne.
© JM Liot / ALEA / IDEC SPORT
ULTIME – Mi-parcours
L’Atlantique paraissait encore immense mercredi alors que MACIF et IDEC Sport peinaient à rentrer dans l’alizé. Voilà que l’océan rapetisse à 25 nœuds de moyenne vers Pointe-à-Pitre. Les deux grands trimarans ont parcouru plus de la moitié de la route et si Francis Joyon s’accroche, François Gabart fait toujours preuve d’une remarquable maîtrise de sa trajectoire.
Retrouvez les mots de François Gabart (MACIF)
© V. Curutchet / ALéA / Macif
Multi50 – Demi-tour
Alors que Thierry Bouchard, victime d’une avarie la nuit dernière, fait route vers le Portugal, les cinq autres Multi50 cavalent toujours vers Pointe-à-Pitre. Mais les situations de ces « petits » multicoques diffèrent entre le coup de vent qui menace Thibault Vauchel-Camus et Erwan Le Roux et le vent portant dont profite Armel Tripon…
Retrouvez les mots de Thierry Bouchard (Ciela Village), Armel Tripon (Réauté Chocolat), Lalou Roucayrol (Arkema)
© Armel Tripon / Réauté Chocolat
IMOCA – Convergence madérienne
Deux groupes se détachent clairement : le quatuor de tête composé d’Alex Thomson, Paul Meilhat, Vincent Riou et Yann Eliès oblique doucement vers l’Ouest à la hauteur de Madère. Une bonne centaine de milles en retrait, un groupe de quatre poursuivants alignés d’Ouest en Est, oppose Stéphane Le Diraison, Alan Roura et Damien Seguin, Arnaud Boissières navigant un peu en retrait. Quant à Boris Hermann, il ajoute une note dissonante à cette partition bien orchestrée : décalé à l’Ouest, l’Allemand fait route à hauteur des Açores et pointe en deuxième position au classement…
© Stéphane LE DIRAISON / Time for Oceans
Class40 – Accrocher les alizés
La flotte de la Class40 n’en a pas encore terminé avec le gros temps : un nouveau front est annoncé pour la nuit de jeudi puis la journée de vendredi, particulièrement pour les marins situés au-dessus de la latitude de Lisbonne. Pas étonnant dans ces conditions de trouver les gros bras aux commandes avec un trio Yoann Richomme-Phil Sharp-Aymeric Chappellier qui cavale vers le Sud pour faire le tour de l’anticyclone des Açores.
© Jean Marie LIOT
Classes Rhum – Démâtage au large du Portugal
Par le travers de Lisbonne, Sidney Gavignet répète à l’octave près la même partition qui réussit si bien à son collègue Pierre Antoine en Rhum Multi. En tête depuis le coup de canon de départ des Rhum Mono, le skipper de Café Joyeux s’éclate dans le rôle du navigateur solitaire, vivant et partageant une tranche importante de sa vie de marin. Et chez les Rhum Multi, le skipper d’Olmix est parvenu à bien glisser dans l’Ouest, en laissant dans son sillage les dépressions qui déferlent depuis quatre jours sur le golfe de Gascogne.
Retrouvez la situation de Fabrice Payen (Team Vent Debout)
© Alexis COURCOUX #RDR2018
Le point sur la flotte
Après quatre jours de course, la flotte de 123 solitaires est scindée en deux grands groupes : ceux qui ont préféré se réfugier dans un port ainsi que ceux qui ont fait escale pour réparer des avaries mineures, et ceux qui continuent à affronter des conditions très dures au Nord des Açores ou qui glissent vers les alizés… Le point sur la situation des arrêts au stand.
© Fabrice AMEDEO / Newrest - Art & Fenêtres