Entre les îles et l’abîme, une femme peint ce que les mots parfois n’osent dire.
Yolande Oxybel, artiste antillaise ancrée entre la Guadeloupe et la Martinique, n’a pas choisi la peinture. Elle l’a reçue. Comme on hérite d’un fardeau sacré ou d’un don indomptable, comme un souffle impérieux qui traverse les chairs et refuse le silence. Chez elle, l’art ne surgit pas du hasard — car le hasard n’a pas de place dans les trajectoires que forge la souffrance. Il est plutôt l'écho d'une destinée : celle d’une femme qui sculpte sa guérison intérieure dans la matière vive de l’abstraction.
Peindre, pour Yolande, c’est survivre. C’est transformer l’angoisse en lumière, la colère en couleur, l’enfermement en évasion. Son atelier n’est pas un lieu ; c’est un seuil. Le seuil entre la torpeur et la joie, entre les ombres sourdes d’un passé douloureux et l’éclat d’un présent reconquis. Là, elle dépose ses humeurs comme d'autres confessent à demi-mot. Elle projette sur la toile les éclats d’une âme tantôt brisée, tantôt flamboyante, toujours en quête de liberté.
L’art comme exutoire, la foi comme boussole.
Ses toiles, loin d’être des décors, sont des cartographies intimes. Des miroirs mouvants où chacun, selon la saison de son cœur, y lit sa propre histoire : un chagrin oublié, une joie revenue, un souvenir d’enfance comme une madeleine de Proust encodée en pigments. Certaines œuvres parlent d’orage, d’autres d’accalmie ; toutes murmurent cette vérité : les couleurs, comme les mots, peuvent sauver des vies.
Peu de visages aussi lumineux que celui de Yolande laissent deviner une âme tourmentée. Derrière ses rires éclatants, ses plaisanteries douces, palpite une tension constante : celle de l’artiste qui vit en funambule sur le fil de ses émotions. Le plus grand combat n’est pas visible. Il se livre à l’intérieur. Et dans ce tumulte invisible, ses armes sont claires : la foi et l’art.
Un cri silencieux porté par la beauté.
Ses tableaux sont des prières sans mots, des cris muets, des respirations longues dans un monde qui oppresse. Parfois d’un rouge incandescent, parfois noyés dans le bleu d’un abîme, ils racontent sans expliquer. Ils offrent sans condition. Yolande ne peint pas pour décorer. Elle peint pour traverser, pour transpercer, pour relier.
Dans ses gestes, il y a l’âme des Antilles, cette force tranquille qui résiste, cette tendresse rugueuse qui pardonne mais n’oublie pas. Elle porte en elle l’héritage invisible des femmes qui guérissent les autres en saignant en silence. Chaque toile est un acte de libération. Une victoire arrachée au chaos. Une offrande d’amour et de courage pour celles et ceux qui cherchent encore la lumière en eux.
Et si l’abstraction était la forme la plus pure de vérité ?
Yolande Oxybel ne raconte pas des histoires. Elle nous invite à ressentir les nôtres. À travers ses œuvres, elle nous tend la main. Non pour nous guider, mais pour nous rappeler que même au fond des abysses, une couleur peut surgir. Et qu’en ce monde trop bruyant, il existe des silences qui soignent.
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