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| AU NOM DE 100.000 CITOYENS SANS VOIX | Santé mentale | Handicap psychiatrique  Vu 35144 fois
Article N°22680

LE COLLECTIF ECRIT AU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE ET AU PREMIER MINISTRE @EmmanuelMacron @Elysee @EPhilippePM ‏ @Matignon ‏

Psychiatrie française : serait-ce la fin du grand silence ?

Le Collectif 100.000 handicapés psychiatriques à l’abandon vient de remettre par courrier au Président de la République et au Premier ministre (avec copie à la ministre des Solidarités et de la Santé et à la Secrétaire d’Etat aux personnes handicapées[1]) un rapport sur l’impact humanitaire désastreux de la décadence de la psychiatrie française[2] : au moins 150.000 citoyens handicapés sont exclus d’une prise en charge adaptée.
 

Au même moment, deux émissions à peu d’intervalle sur France3 abordent le même sujet : d’abord le documentaire percutant[3] du Pr Gérard Miller le 20 mars dernier (malheureusement à 23h50 !) intitulé « la folie à l’abandon » puis le 10 avril le magazine Pièces à conviction : « Psychiatrie, le grand naufrage »[4] suivi d’un débat[5] (« Comment sauver la psychiatrie ») avec la participation de la ministre en charge de la Santé, Mme Agnès Buzyn,. A voir et revoir tant que les documents sont en ligne !

Les titres annoncent clairement le contenu, mais précisons que l’instruction est menée à charge à 100%, ce qui n’est pas totalement équitable pour les personnels. Mais on ne parle pas des trains (bien que rares aujourd’hui) qui arrivent à l’heure.

Quel désastre pour la psychiatrie française, pourtant l’une des plus admirée au Monde jusque dans les années 1970. L’aboutissement de la politique de « santé mentale » menée depuis cette époque est clairement mis en lumière par tant par ces deux émissions que par le rapport que nous avons remis : plus de 300.000 places ont été supprimées dans les hôpitaux psychiatriques (les ex-asiles d’aliénés manquant certes trop souvent d’humanité), sans créer, et de très loin, les structures de prise en charge alternatives, notamment médico-sociales. Une tendance lourde veut que l’hôpital public ne traite plus que les urgences à l’aide de chimiothérapies, qui apaisent les symptômes mais ne soignent pas la maladie. Après quoi les malades sont renvoyés[6], au mieux après quelques semaines de « soins », dans leur famille tant qu’ils en ont une, ou à la solitude de leur logement s’ils en ont encore un, ou encore à la clochardisation, puis trop fréquemment en détention ayant commis quelque délit (très rarement crime, mais toujours très médiatisé !) sous l’effet de la dé-médication, de la désocialisation, de la perte du sens commun. On comprend alors que, pour les victimes des pathologies chroniques les plus sévères, prétendre ne fournir qu’un « suivi ambulatoire » après l’hôpital est complètement irréaliste.

Pourquoi cet intérêt soudain (enfin !) des pouvoirs publics et des médias, pour la psychiatrie ? Cela fait pourtant des années que des voix autorisées sonnent l’alerte[7].

Faut-il chercher la réponse dans l’actualité récente et évoquer le drame de la rue Erlanger comme l’électrochoc déclencheur ? Ou est-ce l’arrivée aux affaires d’un gouvernement non issu des formations politiques traditionnelles, ce qui a permis à son ministre en charge de la Santé un regard nouveau ? Force est d’admettre que, depuis sa prise de fonction, Mme Buzyn a émis des messages positifs pour la reconstruction de la psychiatrie française. Bien sûr, son ministère n’est pas de tout repos, elle est submergée de mouvements de contestations et de réclamations et pas seulement en matière de psychiatrie[8]. Lors de l’émission Pièces à conviction du 10 avril, elle a laissé entendre que la découverte de l’état pitoyable de cette branche particulièrement mal aimée de la médecine a été une (désolante) surprise. Mal aimée à commencer par les administrations (bon nombre d’Agences Régionales de Santé (ARS).et de Directions d’établissements) alors que la santé mentale devrait peser pour 20 à 25 % dans la santé publique au vu de la prévalence des différentes affections qui la concernent[9]. Il faut reconnaitre que l’héritage légué par ses prédécesseurs depuis 60 ans est lourd. Comme l’a souligné le Dr Daniel Zagury lors du débat qui a suivi l’émission, la durée du chantier de réhabilitation dépassera la fenêtre « du temps politique qui est imparti » à Mme Buzyn, mais celle-ci a la « responsabilité historique d’en poser la première pierre ». Bel encouragement, mais grand défi ! Et, l’actualité le montre, ce n’est pas le seul.
Le 26 juin 2018 le ministère a publié un communiqué annonçant une « feuille de route » en 37 actions, sorte de plan psychiatrie qui ne dit pas son nom. Un plan rempli de bonnes idées et de bonnes intentions mais qui n’échappe pas totalement à la langue de bois techno-bureaucratique. Mme Buzyn a aussi réinjecté quelques crédits d’urgence. Lors du débat du 10 avril, elle s’est également engagée à mettre fin aux véritables détournements exercés par trop de directeurs d’hôpitaux sur l’enveloppe budgétaire (la DAF) dévolue aux départements de psychiatrie[10], et d’ailleurs à remplacer ce système de financement sclérosé et sclérosant.
On a le sentiment, à la suite du Dr Zagury, que la ministre commence à passer à l’action. Puissions-nous ne pas être encore une fois déçus, surtout au nom de nos concitoyens bannis des soins, car deux questions (liées) restent posées :
  1. Que faire pour les (au moins) 150.000 handicapés psychiatriques à l’abandon qui sont au cœur de notre croisade ? Ils font l’objet de l’action N° 37 (sur 37, position significative ?) de la feuille de route, et encore, s’agit-il de procéder à des analyses, de proposer des axes « pour mieux repérer et mieux accompagner ». Or ces gens sont en état d’urgence humanitaire. Le temps n’est plus aux conciliabules, mais à l’action.
 
  1. Quoi après l’hôpital psychiatrique ? Le tout ambulatoire sans nuance n’est qu’un concept propre à grossir les rangs des « éjectés dans le virage ». Les dispositifs publics ou parapublics (FAM, MAS,…) sont rares et débordés[11]. Il existe d’autres solutions, elles sont connues, éprouvées ou nouvelles. Les pouvoirs publics doivent s’y atteler, et non se reposer sur le seul secteur associatif[12], qui ne saurait suffire face à l’étendue des besoins surtout pour les personnes les plus sévèrement touchées.
Aujourd’hui toutes les plus hautes instances du pays sont non seulement parfaitement informées mais donnent des signes de prise en compte du problème. Ces jours-ci, tous les esprits sont imprégnés de l’atterrant incendie de Notre-Dame de Paris, ce qui est bien compréhensible, mais la situation de la psychiatrie et des personnes lourdement handicapées psychiques à l’abandon est un incendie qui couve depuis trop longtemps et risque de devenir dangereusement explosif.

Hervé GANDILLON
Coordinateur du  Collectif 100.000 handicapés psychiatriques à l’abandon
2 mai 2019


 
 

[1] Lettre au Président et au Premier ministre 2/04/2019, copies aux ministres 4/04/2019
[2] Pour recevoir le rapport envoyé au Président, au Premier ministre et aux ministres, prendre contact par courriel avec le Collectif : cent.mil.handicapes.psy@gmail.com .
[6] Selon la HAS, l’hôpital n’est pas un lieu de vie. Il resterait environ 10.000 malades chroniques et long, parfois très long séjours dans les HP. Ce sont des « inadéquats » dont la chasse est ouverte : ils vont bientôt, après tant d’autres, grossir les rangs des SDF et des détenus.
[7] Par exemple : la journaliste Catherine Tobin, La schizophrénie au quotidien, sous la direction d’E. Zarifian, Odile Jacob, 1990, avec une analyse inégalée à ce jour sur l’impact désastreux sur les familles ; l’association Droit aux Soins et à une Place adaptée (DSP) auprès du ministre B. Kouchner en 2011 (DSP, aujourd’hui en sommeil, a vigoureusement agité le drapeau de l’alerte entre 2001 et 2005. Le flambeau est repris aujourd’hui par le Collectif 100.000 handicapés psychiatriques à l’abandon) ; les Etats Généraux de la Psychiatrie, Montpellier juin 2003 ; le rapport du HCPLD présidé par X. Emmanuelli au Président de la République, novembre 2003 ; la Lettre au Président de la République sur les citoyens en situation de handicap de J. Kristéva, 2003 ; le livre du journaliste Patrick Coupechoux Un monde de fou en 2006 (Seuil, réédition Point 2014) ; le rapport de la Cour des Comptes sur l’échec du plan santé mentale 2005-2008 du ministre Douste-Blazy, décembre 2011 ; les lettres ouvertes aux candidats à la Présidentielle et aux Législatives de 2017 par le Collectif 100.000 handicapés psychiatriques à l’abandon  dont vous pouvez prendre connaissance, avec les (rares !) réponses, dans ce même blog ; et pour terminer, mais cette liste n’est pas exhaustive, le récent ouvrage des Pr M. Leboyer et P-M. Llorca, Psychiatrie, l’état d’urgence (Fayard 2018).
[8] Il n’y a qu’à penser aux services d’urgence et à la violence dont ils sont trop souvent victime.
[9] L’OMS, et l’INSERM pour la France, estiment en effet qu’une personne sur quatre souffrira au moins une fois dans sa vie de troubles, plus ou moins graves et plus ou moins durable, de « santé mentale ».
[10] Lettre collective à Mme Buzyn du Pr A. Pelissolo cosignée par 120 de ses collègues du service public, en date du 6/11/2018
[11] Le Pr Jean-Philippe Boulenger, professeur émérite de psychiatrie de la Faculté de Montpellier, occupe partiellement et fort utilement sa retraite comme médecin-chef d’une MAS associative. Selon ses propres termes, la liste d’attente est très longue alors que seuls les décès de pensionnaires libèrent des places (entretien privé).
[12] Bien qu’il faille saluer les efforts menés par d’admirables ONG (Clubhouse France, l’Œuvre Falret, l’Elan Retrouvé, etc.)

Hervé GANDILLON Coordinateur du Collectif 100.000 handicapés psychiatriques à lâ??abandon

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